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Biographie

Claude Abeille est membre de l'Institut, élu membre de la section de sculpture, le 9 décembre 1992, au fauteuil de Raymond Martin (sculpteur).

Élève de Alfred Georges Regner à Fontainebleau et de Robert Couturier à l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris où il obtient son diplôme en 1952, Claude Abeille fréquente l’École des Beaux-Arts en auditeur libre (1955) et débute ses premières études de torses en 1956.

C’est à partir de cette date et jusqu’en 1970, qu’il collabore à l’illustration de l’Encyclopédie de la Pléiade, dirigée par Raymond Queneau, et de l’Univers des Formes chez Gallimard

Parallèlement à l’expression graphique, il poursuit ses recherches sculpturales et il obtient le prix Bourdelle de sculpture au Salon de mai en 1963 (avec François Brochet également lauréat), consécration suivie d’une exposition personnelle d’un ensemble de torses au Musée Bourdelle en 1964.

À partir de 1967, Claude Abeille participe à de nombreuses réalisations architecturales par la création de sculptures pour des édifices religieux, des établissements scolaires, etc., notamment le théâtre en plein air de Istres, une place à l'Isle-d'Abeau près de Lyon, ainsi qu'en 1978 le carrefour des voies piétonnes à Montreuil-sous-Bois.

En 1984 et 1985, il est professeur aux Ateliers de la Ville de Paris (Montparnasse) et devient l'un des membres-fondateurs de l'École supérieure art-technique et environnement publicitaire (Paris, 1985-1996).

 

Ils écrivent sur l'oeuvre de Claude Abeille

 

Ce qu’on lit ici, c’est d’abord le vrai. La vérité, la sensation de vérité, l’exclamation de vérité, la sensation de vérité, l’exclamation de vérité. Ensuite le passé : Ce qui a été capté et ne peut plus être retouché puisque saisi dans la matière.Mais par-dessus tout prime sur les autres interprétations ce supplément indicible, l’évidence que dans l’objet sculpté il y a autre chose : le scandale de la Disparition, de l’Abandonnement immanents à ces déchirures, ces vides, ces étoffes relâchées…
Ce qui tremble toujours un peu, le frisson, sont donc les signes même de la vie. Aussi les sculptures de Claude Abeille, tout en mettant en place une métaphore ironique du renoncement, de la finale finalité, possèdent, en même temps, une intention de générosité, une teneur active calorique, qui leurs permettent de faire palpiter l’inerte. Se réchauffer, nous réchauffer la peau de la matière, tel semble être le but du sculpteur. Il se comporte avec son matériau et dans son travail comme s’il était face à un corps aimé. Exemple précieux qui nous permet de saisir la valeur d’une dialectique. Elle introduit dans notre mal d’être la secousse d’une distance. L’œuvre nous renvoie aussi à l’expérience de l’instant. Le matériau (plâtre, ,bronze…) comme tout objet, dure (mais meurt aussi,et indéfiniment de ne jamais mourir) et retient en lui le plus fugitif du moment qui passe. Il a lié un pacte avec le présent.C’est à dure avec l’étincelle, mais aussi avec la fragilité, la précarité, la crainte. On tremble, à la fois d’espoir et d’inquiétude. Mais cette respiration de la sculpture est soumise à l’ordre d’une tendresse, donc d’un obscur bonheur.


Claude Bouyeure. Revue Cimaise 1992

Ses vêtements sont des témoins. Ils manifestent ce que Valéry eut appelé une « présence d’absence ». Ils ne sont pas neutres, comme on aurait pu d’abord le croire. Ils ont été porté
Par quelqu’un. Ils ont appartenu – tels titres le rappellent – à un gardien, un artisan, un orateur ou un berger. Cela se voit au mouvement des pliures, dont le rôle ornemental est essentiel dans son art. Voici, écrit Gilbert lascault, « une défense et illustration des plis ». Cela se voit également à telle disposition des bras. Des manches de ses « vestes » ou de ses « blouses » émergent parfois des mains ; celles d’un lecteur tenant grand ouvert devant lui le journal qui le cache ; celles d’un ouvrier muré dans son travail. Il existe ici toute une interprétation mimétique du sujet ; les gestes sont montrés comme s’ils étaient effectués par un mime, dans le silence d’un salle de spectacle.
Enfin, du haut d’un pardessus ou d’une toge, surgissent les premiers visages, ceux-là même que le spectateur savait attendre, et qu’il n’est pas étonné d’apercevoir soudain. La gravité qui les imprègne est déjà si accordée à celle de l’œuvre entier qu’elle entraîne la certitude que d’autres figures viendront. Peut-être Claude Abeille réalisera-t-il un jour des portraits. Ils possèderont toujours cette empreinte d’un esprit respectueux de toute vérité intérieure.


Antoine Terrasse

La voie que suit Claude Abeille est déjà jalonnée par les monumentales bornes que sont ses sculptures. Comme toutes les bornes, elles indiquent une direction et ainsi piquent notre curiosité . Elles sont les marques d’une frontière et séparent (ou unissent) le domaine privé de Claude Abeille et les terres de l’abstraction.
Ce domaine est un beau domaine, un terrain savoureux…

Robert Couturier

Claude Abeille est convaincu que l’homme qu’il cherche n’est pas un produit mais une rencontre gratuite de l’art, au fur et à mesure qu’il s’adonne au travail solitaire du sculpteur.
Mais comment peut-il produire une œuvre d’art si l’objet est absent ? Par l’emploi su vide comme forme de langage. Je veux dire ce vide qui sous-tend la surface d’un bronze ou qui gonfle une draperie, un habit, un manteau auxquels on a soustrait le corps.
Art du vide, parce qu'il est précisément en quête d’une essence. Cela n’a cependant pas
empêché Claude Abeille de s’inspirer des motifs marginaux du grand art de la Renaissance. Giotto a peint une crucifixion dans laquelle les soldats se disputent la technique de Jésus, cependant qu’il meurt sur la croix. La tunique : Veste vide qui annonce l’absence et la future venue du Christ. Dans le jugement dernier, Michel-Ange représente Saint Barthélémy qui, écorché vif, montre sa propre peau qui pend à son côté. Ici aussi, il s’agit d’une enveloppe vide, qui annonce l’absence et la future renaissance de l’homme. Le visiteur se trouve devant l’œuvre de Claude Abeille comme les femmes devant le tombeau vide : Il s’aperçoit que
l’homme n’est pas là, mais il l’attend. Ici l’art parvient au but qu’Aristote avait fixé à la poésie ; non tellement le plaisir des formes que la catharsis de la conscience.

Ennio Floris


La plupart des ombres de Claude Abeille passent ou retirent des vêtements qui flottent derrière elles comme pour laisser une trace de leur passage. Certains de ces êtres, tout juste suggérés, enfilent plusieurs manteaux qui leur donnent de l’épaisseur, de la consistance et cet
Empilement de vêtement qui parfois les déséquilibre semble aussi leur donner la vie. Nous aimerions en savoir davantage sur chacun d’eux mais l’artiste, peu soucieux de nous renseigner, ne nous donne que quelques indications à partir desquelles chacun d’entre nous est libre de mûrir sa réflexion.
Il est rare de trouver dans la sculpture dite figurative, et surtout à partir de ce matériau si contraignant qu’est le bronze, une telle liberté d’interprétation pour le spectateur, une telle interactivité pour employer un concept à la mode. C’est avec générosité que la sculpteur Claude Abeille nous invite à construire notre propre œuvre à côté de la sienne, à partir de la sienne. Devant les étoffes froissées, les costumes vides, ces manteaux flottants, chacun est appelé à prendre position. Claude Abeille s’est profondément intéressé à l’humain en poussant à l’extrême sa réflexion sur le sens de la vie et paradoxalement, ce qui dans un premier temps pourrait passer pour un retrait, une fuite, un rejet de l’existence et de la condition humaine se transforme par la magie de l’art de Claude Abeille en un hymne à la vie.
 

Michel Poletti

La sculpture n’a pas encore dit tout ce qu’elle avait à dire. Sans chercher dans des domaines an-artistiques (comme dit Hélène Parmelin) le prétexte à d’artificielles nouveautés (puisqu’issues d’artifices), Claude Abeille nous donne l’exemple d’une recherche qui trouve
dans l’honnêteté sa force et dans le mûrissement son essor, une recherche qui est d’ailleurs
d’ores et déjà ponctuée d’œuvres honnêtes, fortes, mûries, enthousiastes…

Raymond Queneau


Claude Abeille est un artiste né et un sculpteur par vocation. Toute sa vie il a fait face à une situation défavorable. Manifestement il ne pense pas que l’humanité ni son art soit sur le bon chemin. Mais cette crise, il l’a prise au sérieux. Elle a été pour lui le challenge , le défi, au sens de Toynbee, qu’il devait relever. Il n’a cessé d’y réfléchir, et son art est le fruit de cette réflexion ? En cela il est entièrement un artiste de son temps, ni « en retard », ni « en avance », exactement comme nous sommes tous qui sommes comme lui dépendants du temps présent et qui nous définissons par notre réaction envers lui. Cette situation il l’a abordée avec son talent, son tempérament propre qui se lit dans ses œuvres : Intelligence, prudence, honnêteté. Il ne s’est ni révolté ni soumis. Il a travaillé obstinément, patiemment à une œuvre de reconstruction d’un art ou l’homme se retrouve et se sente bien. Claude Abeillle a visé la beauté et pour notre commun profit, il l’a atteint.
 

Alain Besançon


Claude Abeille est un vrai sculpteur, il n’illustre pas des idées littéraires. Pourtant ses œuvres sont des objets philosophiques qui soulèvent des questions sur le sens de l’expérience. Artiste, il pose ces questions de façon fugitive, sotto voce , sans attendre de réponse…
Toute sculpture est faite d’une matière palpable, solide. Comment exprimer l’absence par le biais d’une présence insistante ? Claude Abeille, hanté, inspiré par cette absence, fait allusion au costume des apparences pour suggérer le vide, le creux qu’ils renferment. Or un vide, pour être éprouvé comme tel, doit porter une marque spécifique. Ainsi Abeille travaille l’expression particulière de chaque costume, comme s’il exécutait un portrait.
 

John Berger

Quelle étrange présence et quelle force d’expression ont ses compositions. L’homme absent constitué d’une veste posée sur un pantalon ou bien la Veste noire en marbre avec ses jeux d’ombre et de lumières, ses creux et ses pleins, ses plans polis ou ses parties non dégrossies, ses mollesses et ses tensions. On ne pense plus à des vêtements, on est devant de vraies sculptures. L’art de Claude Abeille n’est ni figuratif ni abstrait. Il a son propre profil original, qui échappe à toute classification. Il veut signifier et surtout il veut donner à voir ce qui se cache sous l’ apparence des choses, l’impondérable essence de la réalité.

Ionel Jianou

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